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Ce que ces peintures impressionnistes révèlent sur l'allaitement au 19e siècle

L'histoire de l'allaitement révèle des vérités gênantes sur les femmes, le travail et l'argent.

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Ce que ces peintures impressionnistes révèlent sur l'allaitement au 19e siècle

Bien que l'art de Manet et de ses disciples soit surtout connu pour ses paysages ensoleillés et ses scènes de loisirs parisiens, nombre de ces tableaux racontent des histoires humaines complexes. Pierre-Auguste Renoir, Edgar Degas et Berthe Morisot dépeignent l'allaitement comme l'exemple parfait du travail invisible des femmes.

Au XIXe siècle, la pratique de la nourrice - où les femmes étaient payées pour allaiter l'enfant d'une autre personne - était largement répandue en Europe.

La pratique de la nourrice est très ancienne, mais à Paris au XIXe siècle, alors que de plus en plus de femmes allaient travailler dans la ville moderne nouvellement conçue par Georges-Eugène Haussmann, cette activité était en plein essor. Les nourrices rurales (idéalement âgées d'une vingtaine d'années, en bonne santé, avec des dents solides et un lait épais et blanc) étaient régulièrement employées pour allaiter les enfants des femmes urbaines des classes moyennes et inférieures et constituaient l'une des domestiques les plus prisées dans les maisons bourgeoises.

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Cependant, à la suite des découvertes scientifiques du chimiste français Louis Pasteur sur la propagation des bactéries et des publications médicales vantant les bienfaits du lait maternel pour la santé, l'allaitement maternel a commencé à être privilégié par rapport à l'allaitement humide. En outre, les idéologies politiques conservatrices catholiques et libérales se sont fusionnées pour encourager l'allaitement maternel comme élément central de la féminité moderne.

L'allaitement n'était pas un thème courant dans l'impressionnisme, mais sa représentation par Degas, Renoir et Morisot donne un aperçu fascinant de la façon dont les femmes qui le pratiquaient étaient perçues.

Aux courses à la campagne" d'Edgar Degas (1869)

Dans "Aux courses à la campagne" (1869), nous voyons une famille aisée, l'image de la réussite moderne, dans une voiture de luxe. La mère et la nourrice (identifiée par sa tenue et son sein exposé) sont assises ensemble, tandis que le père, très habillé, et le bouledogue (image de la domesticité moderne) regardent tous deux directement le bébé et le sein.

Le tableau d'Edgar Degas se concentre sur les nourrices dans les milieux aisés de France.

Comme le note la critique d'art Gal Ventura dans son étude encyclopédique sur l'allaitement dans l'art, il existe ici des liens avec la sexualité qui rapprochent la nourrice de la prostituée, une figure souvent représentée par Degas. Toutes deux étaient des travailleuses qui vendaient leur corps, ou plutôt leurs fonctions corporelles, à des familles riches dans un but lucratif. La nourrice est toutefois plus proche de Madonna que de la prostituée.

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Ce que Degas met en évidence ici - par la convergence du regard masculin, du corps féminin au travail et du thème des loisirs urbains - c'est l'omniprésence du capitalisme moderne et de l'échange, même dans une peinture qui prend les loisirs pour objet ostensible.

Maternité" de Pierre-Auguste Renoir (1885)

L'évolution vers l'allaitement maternel est visible dans une série d'œuvres que Renoir a réalisées dans les années 1880 et qui représentent sa future femme Aline en train d'allaiter leur fils premier-né, Pierre. Aline était une couturière de la campagne et la voir allaiter était donc moins choquant pour un public bourgeois coincé.

Dans le premier tableau de cette série intitulée "Maternité", Renoir montre Aline assise sur un arbre tombé, ressemblant beaucoup à une paysanne au visage rougeaud, coiffée d'un chapeau de paille et vêtue de vêtements peu élégants. Elle est également sexualisée par ses seins dodus et saillants et son regard direct.

La

Les seins, écrit Ventura, "sont un scandale pour le patriarcat parce qu'ils perturbent la frontière entre la maternité et la sexualité".

Aline semble heureuse, tout comme Pierre, mais il y a quelque chose qui cloche. L'association par Renoir de son épouse allaitante avec le monde naturel est troublante. Cette représentation fait écho à l'affirmation de la féministe Simone de Beauvoir dans "Le Deuxième Sexe", selon laquelle, sous le patriarcat, à travers la capacité d'une femme à allaiter et à devenir mère, "la femme n'est plus qu'un animal femelle domestiqué". Sa nature sereine suggère également que l'allaitement n'est pas une contrainte ou un "travail".

La nourrice Angèle nourrissant Julie Manet" par Berthe Morisot (1880)

C'est dans le petit tableau de Berthe Morisot intitulé "La nourrice Angèle nourrissant Julie Manet" (1880) que le lien entre l'art, le travail et l'argent devient le plus évident.

Peint dans des tons éblouissants de blanc, de rose et de vert, ce tableau révèle les figures mélangées du bébé de Morisot et de la femme employée pour l'allaiter dans la maison familiale. La situation elle-même est radicale : une femme artiste, plutôt qu'un homme artiste, peint une femme allaitant son enfant, non par instinct maternel, mais pour de l'argent. Mais c'est la manière dont le tableau est peint qui le rend si fascinant.

Ce tableau saisissant de Berthe Morisot représente une autre femme qui allaite son enfant.

Ce qui choque le spectateur, ce n'est pas le sein nu, mais la férocité des coups de pinceau qui couvrent la toile inachevée, mêlant chair, figure, robe et arrière-plan en touches épaisses et irrégulières qui partent dans une multitude de directions. Cette peinture a quelque chose d'extrêmement expressif que seule une mère peut peut-être ressentir.

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La frénésie physique de la peinture communique le travail manuel. Il s'agit d'une peinture en colère sur la maternité et l'acte de peindre. C'est une peinture sur le travail caché dans la création d'un produit artistique, où le lait et la peinture sont, comme l'a observé l'historienne de l'art féministe Linda Nochlin, "des produits fabriqués ou créés pour le marché, pour le profit".

Morisot a exposé plus que tout autre impressionniste. Dépendante de sa mère et de sa belle-famille, les Manet, la vente de ses œuvres était sa seule chance de jouir d'une certaine liberté financière. Cela aurait été impossible sans une nourrice et un mari compréhensif. Heureusement, pour l'art moderne, elle a eu les deux.

Claire Moran est maître de conférences en études françaises à l'université Queen's de Belfast. Claire Moran a reçu un financement pour cette recherche de la part de la Society for French Studies sous la forme d'une bourse de recherche 2021. Republié sous une licence Creative Commons de The Conversation.

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Source: edition.cnn.com

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