Vatican : Inquiétude pour le chef de l'Eglise - L'état de santé du pape François
Lorsque le pape François est monté sur la scène de la salle d'audience à Rome mercredi dernier, visiblement fatigué, courbé et marchant à petits pas, il a été accueilli par des applaudissements debout et des cris de "Viva il Papa" provenant de la salle pendant plusieurs minutes. Malgré sa maladie des poumons et des voies respiratoires, le pontife de 86 ans s'est montré aux fidèles lors de l'audience générale, qui a été déplacée de la place Saint-Pierre à l'intérieur, dans la salle Paolo VI, pour protéger le patient de l'air froid. "Je ne me sens pas encore bien avec cette grippe", a déclaré François. "Ma voix n'est pas encore belle".
Un soupir de soulagement parcourt les rangs. Le pape a certes l'air pâle, encore étourdi par les perfusions d'antibiotiques, son discours est interrompu par de fréquents raclements de gorge. Mais il est de retour. La curie romaine s'était agitée pendant plusieurs jours, entre craintes et espoirs, après que François ait été hospitalisé samedi pour une suspicion de pneumonie. François aura 87 ans le 17 décembre. Comment l'homme va-t-il surmonter ce qui est déjà son troisième séjour à l'hôpital cette année ? C'est la question que l'on se posait au Vatican comme dans les rues de Rome.
Une démission prématurée ? Pas une option pour ce pape
"Nous n'avons pas toutes les informations, mais il semble que François souffre de crises cycliques, dont il s'est toujours remis jusqu'à présent, même s'il est très fragile", explique Marco Politi, expert du Vatican. Une pneumonie avait déjà contraint le pape à se rendre à l'hôpital à Pâques. En juin, il a dû être hospitalisé une nouvelle fois pour une opération des intestins. A mots couverts, certains connaisseurs du Vatican évoquaient déjà la possibilité d'une démission. "Le pape voit les choses de manière pragmatique. Il a dit qu'il continuerait tant qu'il en serait capable. Et il semble bien que ce soit le cas en ce moment", a déclaré Politi.
Il a toutefois dû annuler son voyage historique au sommet mondial sur le climat à Dubaï. François aurait été le premier pape à participer à une conférence des Nations unies sur le climat. L'endiguement du réchauffement climatique est un thème central de son pontificat. Dès la conférence de Paris sur le climat de 2015, lors de laquelle les États participants se sont mis d'accord pour limiter si possible la hausse des températures à 1,5 degré, François a envoyé un appel à un changement de mentalité à l'échelle mondiale. Le Vatican a également adhéré à l'accord.
Le souverain de l'Etat de la Cité du Vatican voulait maintenant prendre lui-même la parole : il avait préparé un discours incisif, prévu un rappel à l'ordre de l'humanité. Aucun chef d'Eglise avant lui n'est intervenu dans des débats publics internationaux comme l'a fait le pape François. Sur la scène internationale, sa voix a du poids.
Dans les milieux ecclésiastiques, on discute déjà de sa succession - à mots couverts.
La situation est tout autre à la maison. Depuis les fréquentes maladies, l'opposition au rénovateur François s'est à nouveau enflammée derrière les murs du Vatican. Les intrigues en vue de la prochaine élection du pape, le conclave, ne s'arrêtent pas. "Les conservateurs et les traditionalistes tentent depuis deux ans déjà d'empêcher qu'un deuxième pape réformateur ne succède à François et s'acoquinent avec des soutiens pour un successeur modéré", explique Politi. La majorité serait toutefois très fluctuante : 30 pour cent d'ultraconservateurs, 30 pour cent de réformateurs et 40 pour cent d'indécis. Ce dernier groupe comprend des ecclésiastiques désorientés, dont certains ne savent sincèrement pas où ils en sont et ont peur du changement, de ce que l'on appelle la "protestantisation", explique Politi.
Il s'agit tout de même de questions fondamentales de l'Eglise comme l'assouplissement de la morale sexuelle catholique, le caractère volontaire du célibat, l'admission des femmes à la diaconie et le renforcement de l'autorité des évêques. Décider de cela ne relève plus aujourd'hui du pouvoir de la curie romaine, selon Politi. L'issue du conflit dépendra des conférences épiscopales du monde entier. "Ce qui compte, c'est la direction qu'elles prendront".
Une guerre civile fait rage au sein de l'Eglise
"Une guerre civile fait rage au sein de l'Eglise", affirme Politi. Les modernisateurs contre les conservateurs, les centralistes contre l'Eglise universelle. Le combat est plus ou moins public, poursuit Politi. Les adversaires de François ́ l'attaquent avec des mots acerbes et le font parfois savoir dans les médias sociaux. Mais le pape reste imperturbable dans sa volonté de réforme. Il ne lui reste pas beaucoup de temps pour poser les jalons dans son sens.
Ce n'est qu'en octobre que François a convoqué les évêques pour un synode mondial à Rome. Politi appelle cela un "mini-concile", quelque chose comme une petite révolution. Il y avait aussi des femmes qui, pour la première fois en 1700 ans d'histoire de l'Eglise, avaient le droit de vote, souligne Politi. La deuxième partie du synode devrait avoir lieu en octobre 2024. Un document final fixera alors ensemble l'orientation de l'Eglise catholique : le rapport entre l'Eglise en tant que communauté et en tant que hiérarchie ; la participation et le partage, donc la codécision des laïcs catholiques ; la mission ou comment l'Eglise se positionne par rapport au monde.
François continue à s'immiscer
"Aujourd'hui, le pape ne peut plus tout décider seul, il a besoin du soutien et de l'accord des conférences épiscopales", explique Politi. Mais il lui arrive de rompre avec ce principe et de s'aventurer seul sur un nouveau terrain. Lorsqu'il souhaite accueillir les personnes homosexuelles dans l'Eglise en tant qu'enfants de Dieu ou admettre à la messe des couples divorcés et remariés. Mais là, il parle en son nom personnel, pas au nom de l'Eglise.
Malgré sa santé fragile et ses maladies récurrentes, François ne manque ni de courage ni de force pour, d'une part, se distinguer comme modernisateur par des déclarations directes dans ses discours et, d'autre part, renforcer avec force les conférences épiscopales du monde entier afin qu'elles puissent dire, en tant que contrepoids à la curie de Rome, où l'Eglise doit aller à l'avenir.
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Source: www.stern.de